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Le Palais Azem, trésor de la vieille ville |
Vivre à Damas,
mode d’emploi… Comment commencer ? En effet, la liste est longue, parfois
compliquée, parfois amusante. Vivre à Damas c’est, outre ne pas avoir peur du
dépaysement, se plonger dans une ville qui n’en finit jamais de vivre. Aussi
loin que remontent mes souvenirs sur ladite ville, mes premières impressions
m’avaient fait l’effet d’un flot ininterrompu de voiture (mais aussi d’attelage
à cheval circulant comme si de rien n’était sur la voie rapide 4x4 voies…),
d’un tourbillon humain continu, d’un souq qui ne fermait jamais. Et ces
impressions sont restées. On ne s’y ennuie jamais car, bien que la nuit
nocturne telle qu’on peut trouver en Europe ou à Beyrouth ne soit pas si active
à Damas que la jeune génération ne le voudrait, il y a toujours quelque chose à
faire, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la vieille ville.
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Au hasard du souq des épices |
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On aime le style kitsh et pailleté... |
Commençons par
la vieille ville d’ailleurs. C’est toujours par cette partie de la ville que
les nouveaux venus commencent. Si ce n’est la rue droite, reste déblayé par les
ottomans du decumanus de la ville romaine, et le souq Hamidiyyeh, également
tracé à la règle par les turcs lassés du plan anarchique du souq médiéval, la
vieille ville correspond à peu près à l’idée qu’un orientaliste pourrait se
faire d’une ville au levant. Rues sinueuses, parfois juste assez étroites pour s’y
glisser, toujours des recoins qui échappent au brouhaha incessant des souqs,
avec à Damas un certain charme qui s’en dégage puisque le centre historique a
été assez peu restauré. On peut donc vraiment se faire une idée de ce qu’est
l’orient, loin des images de cartes postales et des clichés, souvent faux, que
l’on a avant de partir. La vieille ville est un véritable coffre au
trésor. L’aspect de certaines rues paraît souvent peu engageant, pourtant il suffit
souvent de savoir où pousser la bonne porte et de découvrir de véritables
merveilles. La ville regorge en effet de multiples palais et caravansérail, et
ceux qui ont été restaurés gardent leur cachet d’autant. Il n’y a plus qu’à
fermer les yeux et l’on s’imagine alors immédiatement ce que pouvait être la
vie d’autrefois. Outre les combinaisons innombrables de ballades que l’on peut
faire à Damas – se perdre est en effet facile, mais rien de grave car il est
tout aussi facile de retrouver son chemin – outre tous les petits culs-de-sac
(les syriens ont osé, ils orthographient sans broncher ce mot
« cu-de-saq ») et les petits passages qui mènent souvent à des petits
coins de paradis insoupçonnés, la vieille ville regorge de restaurants
absolument fantastiques. A des prix défiant toute concurrence, vous pouvez vous
offrir de véritables festins dans un décor de rêve. En effet, les anciens
palais de différentes époques, désertés par les familles damascènes au début du
XX° siècle car inconfortables et trop froids l’hiver, ont pour la plupart été
restaurés et transformés en restaurants ou hôtels. On ne paye pas le décor, et
pourtant… La plupart installent leurs tables dans la cour intérieure, souvent
dotée en son centre d’une fontaine ornée d’arabesques, et l’on mange ainsi dans
le cœur de la maison, au milieu des ornements muraux qui ont fait la célébrité
de Damas, avec un service impeccable et des serveurs adorables (enfin pour la
plupart). Mon restaurant favori est le Khiwali, un palais récemment restauré qui date du
XIV° siècle. Le boulanger iraquien fabrique sur place son pain iraquien
(le meilleur qui soit à mon goût), la musique n’y est pas trop forte (et Dieu
sait que c’est appréciable et rare dans le patelin !) et avec un peu de chance en été, on peut y
dîner sur le toit, avec toute la vue sur Damas, le Mont Quassioun et la Grande
Mosquée des Omeyyades.
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Les restaurants damascènes... Luxe, calme et volupté ! |
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Glané à la Grande Mosquée... |
La vieille
ville, c’est évidemment le vieux souq ! Le vieux souqs et son
ordonnancement bien particulier, quoiqu’aujourd’hui un peu troublé par
l’apparition des boutiques à touristes. Comme je l’ai déjà mentionné, ce qu’on
vend au souq diffère selon la distance par rapport à la mosquée et la pureté
des produits. Dans le souq on y trouve pour tous les goûts. Le souq des
« locaux », à savoir le Souq Hamidiyyeh qui jouxte la grande mosquée des
omeyyades et dont l’entrée n’est rien d’autre que le prolypée du temple de
Jupiter, rien que ça ! On y trouve de tout, pour les femmes ont trouvera
surtout de quoi agrémenter abayas, niqab, hijab et autres vêtements hyper
glamour, mais également des sous-vêtements à faire rougir d’embarras les
étrangères occidentales et décadentes que nous sommes. C’est là que se trouve
Bakdash, LE glacier de Damas. Il est à l’image de la ville,
« victime » du flot incessant de monde qui se presse à ses portes (et
surtout à ses cornets). La boutique est immense et rythme sa journée au son des
employés qui battent la crème glacée et les pistaches. L’équipe est
impressionnante, on voit aller et venir une légion de serveur, slalomant entre
les clients affamés, maîtrisant parfaitement leurs plateaux remplis des
précieuses coupelles. La prestation la plus connue de Bakdash, c’est en effet
sa crème glacée aux pistaches pilées, un régal pour les sens. Une montagne de
crème glacée, qui n’en finit pas de s’enrouler autour de la cuiller tant elle
est élastique, ses pistaches fraichement pilée… Un véritable bonheur pour tout
gourmand qui se respecte ! On peut également de perdre dans le souq des
orfèvres, au détour duquel on tombe sur le palais Azem, le souq de la soie mais
surtout, ma partie préférée, la rue Qaimariyyeh.
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Crème glacé au Bakdash |
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boutiques du souq |
La rue
Qaimariyehh relie Bab Touma, le quartier chrétien au quartier de la grande
mosquée. Cette rue a l’avantage d’être touristique, mais trop quand même. Je
m’explique : on y trouve à peu près tout ce qu’un touriste pourrait
rechercher pour des prix tout à fait convenables. J’y ai maintenant mes
adresses, et surtout les vendeurs qui m’invitent régulièrement à prendre le thé
et avec qui je me chamaille gentiment lorsqu’il faut négocier le prix, l’un et
l’autre sachant pertinemment l’issue de la transaction. On y trouve de
tout : écharpes en soie, pashmina qui font le bonheur des filles,
parfumerie, bijoutier, coutelier, cordonnier… Ma boutique préférée restant
celle vendant les photos du Président, les autocollants du Président, les
magnets du Président (elle ne vend toujours pas la chanson, mais ça ne saurait
tarder) !! Le tout dans une étroite rue pavée, où les murs ont été envahis
par les plantes grimpantes. On trouve également dans les environs nombre de boutiques
vendant les jus de fruits pressés, les gaufres au chocolat ou encore les
chawarmas, célèbre fast-food levantin bien meilleur que les kebab hors de prix
qu’on vous vend en Europe.
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Belle maison à Bab Sharqi |
La vieille
ville reflète également, certes pas totalement, le rythme de la vie d’ici. Comme
à Bab Touma, le jour de la Sainte Barbe que les chrétiens célèbrent en grande
pompe et comme répétition générale de Noël, rapport aux repas pantagruéliques
que tout le monde prépare se jour-là. Le quartier chrétien s’est couvert le
temps d’une journée de décorations multicolores et les pâtisseries vendaient
les spécialités propres à cette fête. Se promener autour de la Grande Moquée,
comme je l’ai fait, le jour de l’Aïd el-Kbir, est un véritable loisir. Il
suffit de s’asseoir quelque part et de contempler le spectacle des gens, le
tout temporisé par la fréquence des prières, le chant des muezzins. Ce jour-là,
tous les vendeurs ambulants on fait le déplacement : bonbons, friandises,
maïs chaud, Pop corn, jus de fruit, tout y était. Et pas la peine d’acheter car
les gens viendront spontanément vous proposer quelque chose. Les femmes
surtout. Et oui ! On m’avait souvent charriée sur le décalage que pouvait
créer ma couleur de cheveux en Syrie.
Certes, parfois c’est pesant, mais avec
les femmes, particulièrement les musulmanes, c’est très utile. En effet, les
musulmanes sont souvent plus effacées que les hommes en public, mais je crée
toujours la surprise avec elles à cause de mes cheveux. Pour elles, les cheveux
sont une part d’intimité puisqu’elles ne les montrent jamais en public. Ainsi,
lorsqu’elles passent, particulièrement au Hamam, dix minutes à examiner mes
cheveux, me poser plein de questions sur comment je les entretiens, les coiffe,
etc. c’est une part d’intimité que je partage avec elles. Ceci dit au hamam, c’est
toute leur intimité que les femmes livrent. La première fois que j’y suis
allée, une femme quasiment dénudée nous avait longuement tapé la causette,
femme qui une fois sortie du sauna, s’est rhabillée pour affronter la rue en
remettant son niqab, ce fameux voile que nous avons interdit en France.
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La grande mosquée vue de l'esplanade |
Le
Hamam, outre le cadre pittoresque et orientaliste qu’il offre est un lieu où
les différences et les préjugés s’effacent, puisque dans cet univers de femme,
ces femmes partagent tout en se détachant de l’apparence que les constructions
sociales d’ici les forcent à adapter. Il est d’ailleurs amusant d’y retourner
en maîtrisant mieux la langue : en écoutant, on se rend compte à quel
point les hamams sont des lieux sociaux : on y parle potins, secrets
beautés (pour ne pas dire d’autres secrets, heum heum…), on y cherche parfois
la femme pour un fils. C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé la première fois
que j’y suis allée : après m’avoir observée sous tous les angles, une
vieille dame s’est approchée de moi en me demandant si, par hasard, je ne
voulais pas épouser son fils… Sortir du hamam, c’est aussi se sentir totalement
réparée, grâce au peeling, à la pédicure et au massage que vous font des
grosses femmes qui ont manifestement un peu trop tapé sur les loukoums…
Bref, il faut
y vivre pour se faire à cette vieille ville. Damas a cette particularité,
qu’elle partage sans doutes avec d’autres villes d’Orient, qu’il faut aller à
sa rencontre, oser pousser les portes, oser se perdre, accepter de se perdre
pour finalement la connaître et devenir intime avec elle.