La grande colonnade au petit matin
C’est un peu sur un coup de tête que cette excursion a vu le jour. Camilla, une étudiante de Sciences Po sur le campus de Menton (spécialisé dans l’étude du bassin méditerranéen) qui loge dans la même famille que moi, était venue avec sa mère pour son installation. N’ayant pas pu faire beaucoup de tourisme, sa mère voulait absolument aller voir Palmyre. Ainsi, nous voilà parties, Camilla, sa mère, Lorraine (une autre étudiante de Sciences Po Paris qui loge également avec moi) mercredi à 15h30 en quête d’un bus. L’arrivée à la gare routière fut un peu chaotique : chaleur, du monde partout. En fait, pour entrer dans la gare routière, il faut passer les contrôles de sécurité, puis se mettre en quête d’une antenne de compagnie de bus qui vous propose un voyage pour la destination proposée. Il est en effet possible de voyager en bus depuis Damas jusqu’à Istanbul ou Amman ! Nous sommes parties dans l’heure. Les bus en Syrie ne sont pas ce à quoi on pourrait s’attendre : les mauvaises langues auraient prédit un bus délabré et sans climatisation, dont la toiture risquerait de s’envoler dès les 50km/h atteints… Que nenni ! Ici, un voyage comme Palmyre coûte à peine 2€50 pour environ 250km. Le bus est climatisé, et lors de l’Iftar (la rupture du jeûne pendant le ramadan), une hôtesse de bus passe dans le bus pour vous distribuer rafraichissements et pâtisseries… ou comment bien voyager pour une somme modique !
5h30 : le soleil se lève
Après trois heures de voyage (assez monotone puisqu’on ne traverse que du désert) où l’on a pu admirer au passage les multiples « Bagdad café » qui bordent la route, nous arrivons à Palmyre sur le coup de 20h. La nuit est déjà tombée, et la rupture du jeûne fait que la ville fait plutôt penser à une ville morte : grande avenues bordées d’immeubles un peu délabrés. Le seul quartier où il y a un peu d’animation se situe juste à côté sur musée archéologique qui borde le site antique, et pour cause, c’est là que se trouvent tous les hôtels. Dîner dans un restaurant à touristes où l’on nous fait goûter le Mansaf, le plat traditionnel des bédouins (qui peuplent d’ailleurs majoritairement Tadmor (le nom arabe de Palmyre)).
Colonne solitaire dans le sanctuaire des enseignes
Le lendemain matin, place au rêve !! Nous nous levons tôt pour aller voir le lever du soleil sur le site antique du haut de la citadelle de Fakhr Ed-Din (le premier émir de la région du Mont Liban au XVI° siècle si mes souvenirs sont bons), un château arabe qui surplombe la plaine de Palmyre. Le spectacle est époustouflant, le soleil se lève tout doucement, rouge pour illuminer petit à petit le site antique et la vallée des tombes. Le site antique étant en entrée libre, nous pouvons donc profiter des splendeurs palmyréniennes à la fraiche (il y avait d’ailleurs un sacré vent et j’ai amèrement regretté d’avoir oublié mon gilet à l’hôtel…) et nous nous faisons alpaguer par les premiers bédouins nous proposant une gamme de produits allant du Keffieh (vendu 2€50, une honte !), aux bijoux bédouins (trrrrue silver !) en passant bien évidemment par le tour du site à dos de chameau, lequel chameau est copieusement frappé par son propriétaire et laisse des souvenirs odorants un peu partout (je n’en dis pas plus, de peur de vous faire un dessin). Les bédouins nous aurons suivi d’ailleurs toute la journée et finissent par devenir un peu envahissants… En effet, tous vous disent « But… why ? » lorsque vous refusez leur marchandise !
Le théâtre
L'entrée du temple de Bêl
Palmyre est célèbre principalement pour deux choses : sa Reine Zénobie et son site antique exceptionnellement préservé. En fait, Palmyre est connue dès le I° siècle. C’est une ville marchande, certes située en plein désert au beau milieu de nulle part, mais à un placement stratégique, car elle servait de relais à tous les flux commerciaux de l’époque. Ainsi, elle devient vite prospère. La ville prend une grande importance lors des invasions perses au III° siècle. L’Empereur est fait prisonnier à la bataille d’Edesse, mais Odenat, le prince de Palmyre, mobilise ses troupes et repousse les perses jusque sur leurs territoires. Il devient presque aussi important que l’empereur. C’est à la mort de celui-ci que son épouse, la fameuse Zénobie entre en jeu. Profitant de la renommée de son époux, elle occupe l’Egypte et l’Asie Mineure. Elle n’est certes pas la première à avoir voulu rivaliser avec l’Empereur, mais elle est restée dans l’histoire à cause d’une personnalité semble-t-il assez étonnante. Femme de lettres, elle appréciait les philosophes grecs, tout comme elle savait boire avec ses généraux ou conduire une armée… Le tout combiné avec une certaine beauté, elle avait tout pour construire une véritable légende bien qu'elle n'ait régné que six ans (266-272 ap. JC). La légende n’en devient que plus forte lorsque les restes de Palmyre sont redécouverts au XVIII° siècle par les voyageurs européens.
Bas-relief du dieu Aglibol
Il est vrai que la ville est tout de même exceptionnellement conservée. Même si le Mandat français et le travail du service des antiquités syriennes ont assez bien restauré le site, les restes sont assez significatifs pour donner un avant goût de ce que devait être la ville aux heures de gloire, et surtout, pour faire rêver tout touriste s’y rendant. Le temple de Bêl, par ses murs de 200 m de long incarne toute la magnificence de ce qu’était la cité. On peut encore y voir des restes de bas-relief, avec par-ci par-là des traces de polychromie. Vient ensuite l’arc monumental qui, du temple de Bêl, inaugure la grande colonnade qui servait de decumanus (l’axe Est-Ouest traversant les villes romaines). Il faut s’imaginer qu’entre chaque colonne, se tenait une boutique vendant les produits raffinés ramenés d'Orient par les caravanes. Il faut s’imaginer également le théâtre, les termes, les différents temples adjacents à cet axe. Le tout vu avec les premiers rayons du soleil est absolument époustouflant ! De plus, Palmyre ressemble certes à une ville romaine mais chaque vestige témoigne des différentes influences orientales de l’époque : Perse, Mésopotamie, etc. Ainsi, la ville garde sa propre originalité et suggère au visiteur le mélange culturel que devait être la cité. En revanche, prendre des photos s'avère être compliqué. On veut faire les artistes et faire des effets de perspectives avec la citadelle arabe en arrière fond, le seul problème est qu'une mâ-gni-fi-que antenne de télévision a été installée sur la colline juste à côté. Ainsi, il faut maîtriser l'art de cacher les détails disgracieux par la profusion de colonnes qui jonchent le site antique !
L'arc monumental, l'entrée de la grande colonnade avec en arrière fond la citadelle arabe
Une fois la visite terminée, nous voulions partir voir la vallée des tombeaux, vallée qui part du site antique pour s’engouffrer dans l’immensité du désert, mais il commençait à faire très chaud et c’est un peu compliqué pour y accéder. De plus, nous ne voulions pas partir trop tard pour Damas, dans la mesure où là-bas, en ces temps de ramadan, il est quasi impossible de trouver un taxi à l’heure de la tombée du jour, puisque tout le monde s’en va manger. Aucun regret cependant, car nous avons tout le temps devant nous pour retourner à Palmyre et approfondir la visite. Nous avons vu juste assez pour avoir envie de revenir et entretenir le rêve et la légende qui entourent Palmyre et ses ruines multiséculaires.
L'arc monumental avec sur la voie un bédouin à dos de chameau
Rien de pittoresque à cela : il essaye seulement de vous faire payer une fortune un tour sur le site !
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