Notre-Dame du Liban - Harissa |
Après quatre
semaines intenses de travail à la fac, voilà arriver une semaine de repos bien
méritée, la charge de travail devenant assez significative pour quelqu’un
n’ayant pas grandi dans un univers arabophone.
A ceux qui ne
l’auraient pas remarqué lors de la publication de ce post, le Liban et
particulièrement Beyrouth font l’objet d’un certain enthousiasme chez moi. Pour
ceux qui s’inquièteraient, il y a eu certes quelques troubles la semaine
dernière au Liban qui ont été vite maîtrisés. Les libanais continuent de faire
la fête, c’est d’ailleurs un signe plutôt encourageant. Y aller en venant de
Damas apporte une grande bouffée d’air frais. Je peux y ressortir mes tenues
inspirées des minettes parisiennes sans avoir trop de soucis, les libanaises
ayant quant à elles une manière de s’habiller incomparable. Beyrouth, c’est
retrouver un air d’occident malgré ses aspects chaotiques, c’est savoir que
l’on peut se départir des codes de vie instaurés à Damas et qui parfois peuvent
peser. Et qui pèsent particulièrement en ce moment. A ce propos, il se peut que
la tenue de ce blog soit perturbée par quelques problèmes techniques de
connexion à Internet. Il n’est en effet plus possible d’accéder à certains
sites, dont celui qui héberge ce blog. L’ambiance damascène est assez étrange
ces derniers temps.
Bref, toujours
est-il que Beyrouth est vraiment une ville formidable. A peine déchargée de
l’université, me voilà partie, direction la frontière libanaise, récupérant au
passage deux autres magnifiques tampons sur mon passeport. Le voyage a été
vraiment beau : pour aller à Beyrouth, il faut d’abord passer un massif
montagneux pour descendre dans la vallée de la Bekaa, puis en remonter un autre
avant d’arriver à Beyrouth. A la fin de la journée, les lumières du coucher du
soleil se mêlaient aux fantaisies des nuages semblant vouloir protéger les
cimes enneigées des montagnes. A peine arrivée à Beyrouth, me voilà
réceptionnée par Margaux, une amie de Sciences Po en césure au Liban, direction
l’appartement d’Olivia, une amie de promo. Petit dîné entre filles, lasagnes
maison et discussion dans le salon de cet appartement au 11ème étage
d’un immeuble qui donne une vue magnifique sur les montagnes beyrouthines
éclairées de milliers de petits points de lumière.
Vue sur Beyrouth du haut de Harissa |
Le lendemain,
après avoir profité de ces nouvelles vacances pour faire une bonne grasse
matinée, et profiter de choses aussi extraordinaires d’être réveillée par le
sons des cloches ou du muezzin, ou d’avoir un restaurant Mac Donald juste à
côté, me voilà partie en direction de Jounieh, pour monter au sanctuaire de
Harissa (non, pas la sauce, le sanctuaire). Jounieh a connu une certaine
expansion durant la guerre civile car, les beyrouthins, pour fuir les violences
de la capitale, se rendaient là-bas pour aller faire la fête (je commence
vraiment à croire qu’un libanais qui n’aime pas faire la fête est en fait un
traitre à sa patrie). La ville est comme prise au piège entre mer et montagne.
Et c’est au haut de la montagne que se situe le sanctuaire maronite de
Notre-Dame du Liban. Y accéder y a été assez compliqué. J’ai dû d’abord prendre
un bus pour arriver à la gare routière de Beyrouth, bus dont le conducteur
assez antipathique s’amusait à s’arrêter devant chaque piéton voir s’il voulait
monter dans le bus. En suite, il avait fermement décidé de conduire avec le
point mort, ce qui en montée pose fatalement un problème technique assez
évident. Arrivée à la gare routière, je saute dans un bus en direction de
Jounieh qui m’emmène au pied du téléphérique qu’il faut prendre pour monter
jusqu'en haut de la montagne. Seulement, pour une obscure raison, voilà le
téléphérique fermé au beau milieu de l’après midi. C’était sans compter la
légendaire hospitalité libanaise, puisque je suis tombée sur deux libanaises
aussi déconfites que moi, apparemment pas tellement dans le besoin et pourtant
bien résolues à monter faire leurs dévotion.
Qu’à cela ne
tienne, je profite de leur offre et prends un taxi avec elles jusqu’au
sanctuaire. A l’entrée, fouille par l’armée. Mes amies d’infortune me disent en
effet qu’une bombe y a été posée il y a peu… Mais quelle belle vue ! Le
vent avait dégagé le ciel de tout nuage, et la hauteur de la montagne offrait
une vue sur la mer magnifique, la côte se découpant entre leur bleu azur de
l’eau. On voyait au loin Beyrouth et la forme de sa corniche si
caractéristique, mais aussi le long de la côte en direction de Byblos.
Nous
commençons par monter au pied de la grande statue de Notre Dame du Liban, qui
offre le point de vue le plus vaste. Je dois avouer avoir été un peu déçue car
en voyant des photos j’avais pensé que cette statue était bien plus grande,
mais le tout, quoiqu’un peu kitsh (ça reste libanais, hein) est tout de même
très joli. Puis redescente vers le sanctuaire, vers la petite chapelle qui se
situe en dessous de la statue. A côté, se situe une église bien plus grande et
bien plus moderne (pour le meilleur et pour le pire d’ailleurs), encore en
plein travaux. Je n’ai pas réussi à savoir si la dite église est encore en
construction ou plus pragmatiquement en rénovation. Une fois nos dévotions
terminées, passage obligé à la boutique souvenir. Il devait y en avoir pour
tous les goûts et pour toutes les tailles de statues de la Vierge, pour tous
les goûts de chapelets dorés, de bougies bien grosses et bien fleuries… Bref,
finalement, les boutiques souvenirs de Lourdes font à côté bien ternes !
Un café avalé
et nous redescendons vers Jounieh. Mes amies d’une après-midi me laissent
reprendre le bus vers Beyrouth. J’y retrouve mes amis à dîner, puis nous
passons la soirée dans un des bars qui font la réputation de Beyrouth. Le thème
de la soirée était … French Night… En gros, cela consistait à voir des
gens passer une bonne soirée sur du Hughes Auffray, du Enrico Englesias ou du
Joe Dassin, ainsi que toute la panoplie de la variété française des années 60
aux années 80. Assez irréaliste pour des français, mais nous avions le
privilège de rire gentiment des libanais chantant « Aux Champs
Elysées » en phonétique.
Le lendemain,
après une bonne grasse matinée (c’est tout de même mes vacances hein !),
je m’en vais faire une croix sur la raffinerie de la gastronomie libanaise et
vais tester avec Margaux Burger King… Je sais que je devrais en avoir honte,
mais finalement ça fait plutôt du bien après avoir mangé syrien pendant près de
cinq mois. Je reste à Beyrouth l’après-midi, la météo étant maussade et mon
côté sudiste qui ne s’est décidément pas arrangé avec le Proche-Orient :
si le temps est couvert, on reste tout simplement à la maison, car il pourrait
pleuvoir voyons ! J’en ai donc profité pour écrire ce message et essayer
de le publier puisque je ne sais pas trop si cela sera possible en Syrie. J’en
ai également profité pour suivre les événements locaux, et essayer de voir sur
Internet ce qu’en disent les chaînes d’informations arabes. Avec une bonne
concentration désormais, je peux en effet comprendre ce qu’il se dit à la télé,
et au vu de tout ce qu’il se passe un peu partout dans le monde arabe, c’est
finalement très intéressant car j’ai désormais accès à un point de vue
proprement arabe, et peux saisir les subtilités de la langue en entendant les
gens s’exprimer. Et cela fait un effet très étrange de voir que finalement,
vivre en immersion dans un milieu totalement arabophone commence, après cinq
mois, à porter ses fruits efficacement. Et cela porte ses fruits car par
exemple au Liban, où les gens sont réputés répondre en français et en anglais,
j’arrive à parler arabe avec eux, même si l’accent n’est pas exactement le même
que celui auquel je suis habituée à Damas.
Le lendemain,
n’écoutant que mon courage (mais surtout la météo étant très maussade encore
une fois), je suis restée à Beyrouth, voulant profiter de la vie beyrouthine
qui n’est pas si désagréable. Beyrouth a cet avantage d’être une ville à taille
humaine, et même si l’on s’y sent au Proche-Orient par ses aspects chaotiques
et désordonnés (l’expression « C’est Beyrouth ! » pour
qualifier le désordre routier étant à cet égard très pertinente), elle a l’avantage
de donner aux occidentaux que nous sommes des repères solides qui n’existent
pas à première vue à Damas.
Le soir,
petite soirée chez des amis, où nous en avons profité pour terminer la réserve
effectuée lors du séjour en France pour Noël des uns et des autres de saucisson
et de fromage odorant.
Le lendemain,
petite virée avec Olivia dans le quartier arménien de Burj Hammoud, à l’Est de
Beyrouth. Le quartier en lui-même n’a rien d’exceptionnel, mais c’est surtout l’ambiance
qui en fait tout le charme. Les immeubles sont plutôt bas à l’échelle de
Beyrouth, rarement plus de quatre étages, l’ambiance y est relativement calme
et le quartier est truffé de petits commerces à bas prix où l’on trouve de
tout, les boutiques les plus drôles étant les boutiques qui se spécialisent à l’approche
de la Saint Valentin dans la vente d’ours en peluche rouge pétard tendant aux
clients des coussins en cœur tout aussi rouge estampillés « I love you »,
« you’ll be mine », ou encore « Habibi ». Nous avons donc
fait le petit tour du quartier, fait les quincailleries, trouvé nos produits de
beauté occidentaux à bas prix. Se promener dans ce quartier, c’est aussi
croiser les restaurants arméniens aux senteurs si particulières, des petits
oratoires avec leurs statues colorées et kitsh (le Liban étant assez bling
bling, les symboles religieux le sont tout autant).
La gare de train de Beyrouth |
Une fois le
tour du quartier effectué, direction l’ouest vers le quartier de Mar Mikhail,
un quartier chrétien (Beyrouth Est oblige). Le quartier a beaucoup de charme :
il a été relativement préservé par la guerre civile et laisse un petit aperçu
de ce que devait être Beyrouth avant. Le quartier est jonché de vieilles
maisons à deux ou trois étages, avec un petit style néo-gothique. A l’inverse
des quartiers branchés du Downtown de Beyrouth, Mar Mikhail s’est encore très
peu boboisé. Là, nous faisons un petit tour du côté de quelque chose que même
les beyrouthins connaissent peu : la gare de train. En effet, quinze ans
de guerre civile ont eu raison du réseau ferré libanais, et la gare de Beyrouth
est ainsi tombée dans l’oubli. Dans un recoin calme du quartier, sa petite
architecture IIIème République nous fait retomber dans les petites gares de la
campagne française, avec toujours quelques wagons de train à l’abandon. C’est
là que l’on voit à quel point la vie s’est arrêtée durant la guerre civile.
Beaux immeubles à Mar Mikhail |
Puis retour
vers le Downtown, petite halte goûter dans la boulangerie Paul du célèbre
groupe français. Si Paul en France est une boulangerie un peu haut de gamme
dans les galeries commerçantes, à Beyrouth c’est vraiment le lieu
branché.
Immeuble dévasté |
Bref, pour
conclure, un petit séjour bien reposant à Beyrouth, une bonne cure d’occidentalisation
pour retourner ensuite à Damas, et surtout un aperçu vraiment plus approfondi
de Beyrouth, qui même sans avoir un grand esthétisme – les projets immobiliers
de la reconstruction font fi de tout plan d’urbanisme, ce qui fait que l’on se
retrouver avec une horde d’immeubles modernes sans eau potable, sans Internet à
haut débit et avec des coupures d’électricité tous les jours – se révèle être
vraiment agréable à vivre.