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mardi 31 août 2010

Délices et splendeurs de la vie damascène

     Me voici depuis une semaine à Damas. Je commence à avoir hâte de commencer les cours : je savais que les syriens parlaient peu l’anglais ou le français, mais pas à ce point-là. Du coup je me sens un peu handicapée. Dès que je sors de la maison, j’ai vraiment du mal à me faire comprendre.


     Ceci dit, je commence à me repérer dans la ville. Lorsque je prends le taxi, les avenues, les rues, les boulevards me semblent un peu plus familiers. C’est la même chose dans la vieille ville. Je peux parfois me perdre, mais je commence à beaucoup mieux me repérer, ce qui n’est pas plus mal puisque c’est un véritable labyrinthe. Je repère également mieux les souqs. En effet, à Damas, le souq n’est pas un ensemble homogène. Il a gardé son ancien ordonnancement. Le souq, dans la ville arabe d’antan, se situe autour de la Mosquée. Comme la mosquée est un lieu saint, les boutiques qui l’entourent vendent des produits nobles et purs : ainsi à Damas, c’est le souq des orfèvres qui entoure la mosquée. A mesure que l’on s’éloigne de la grande mosquée, on atteint le souq de la soie, le souq des parfums, des épices. Autrefois, les boutiques de tanneurs et les boucheries étaient placées à la périphérie de la ville, à cause des odeurs notamment. Le plus grand souq, le souq al-Hamidiyyah est l’un des rares souqs en Syrie à être vaguement fait pour les touristes, ce n’est donc pas là que l’on peut faire les meilleures affaires. Pour se rendre dans les souqs plus authentiques, il faut emprunter des rues sinueuses qui ne sont pas forcément marquées sur les plans. Cependant, il faut essayer, car à Damas, on peut toujours trouver quelque chose d’étonnant au détour d’une ruelle : caravansérail, palais, hammam, etc. Ceci dit, se balader dans la vieille ville est toujours une fête des sens, pour le pire et pour le meilleur d’ailleurs… En connaissant les bonnes adresses on peut cependant faire de bonnes affaires !!


Le souq Hamidiyyah et le prolypée romain                                               Vue de la cour de la grande mosquée
    
     Je continue doucement mais sûrement la visite de la vieille ville. Jeudi dernier, je suis allée avec Justine, une amie de Sciences Po en stage à l’ambassade de France, visiter la grande mosquée des Omeyyades. Grand lieu de l’Islam oblige, les touristes payent, les fidèles ne payent pas, et les femmes se voient affublées d’une magnifique blouse à capuchon informe et de couleur indéterminée. Par 40°C à l’ombre, cela peut parfois se révéler… difficile ! Aucun regret cependant : l’édifice est vraiment à couper le souffle, et la chaleur est vite compensée par la consommation d'un jus de citron à la menthe ! Dans la cour de l’édifice s’élèvent de grandes arcades directement inspirées des palais impériaux byzantins, et certaines ont encore gardé leurs mosaïques en fond or, représentant des villes imaginaires et paradisiaques. Ces représentations font un peu figure d’allégorie de Damas : lorsque les arabes sont arrivés au VII° siècle de la péninsule arabe, ils ont été subjugués par Damas et sa grande Oasis, la Ghouta, si bien que nombre de poètes arabes ont dès lors qualifié Damas de « paradis terrestre » ou de « grain de beauté sur la joue du monde ».
La cour de la grande mosquée avec au fond la coupole de l'horlige et tout à droite, le bassin des ablutions

     L’intérieur de la mosquée est cependant assez récent, puisqu’un grand incendie a tout dévasté au XIX° siècle. On peut encore voir certains restes datant d’avant l’incendie, ainsi que la tombe de Saint Jean-Baptiste, que les musulmans partagent avec les chrétiens. En effet, durant l’antiquité, l’emplacement était occupé par les païens, puis les byzantins y ont élevé une église pour laisser la place aux musulmans. Bien que la mosquée des Omeyyades soit un grand lieu du sunnisme, les chiites y viennent parfois pour y vénérer la tête de Hussein, principale figure de cette branche de l’Islam. Je vous ai ramené peu de photos de ce monument, non parce qu’elles sont interdites afin de mieux vous inciter à acheter les cartes postales, mais parce que j’avais tout simplement oublié la carte mémoire de mon appareil photo à la maison… ô rage, ô désespoir comme qui dirait !

A circonstances exceptionnelles, photo exceptionnelle !



     Sinon, je suis enfin inscrite à l’Université… ouf ! Cela a été un parcours du combattant, mais maintenant c’est fait. Disons que Sciences Po a eu du mal à organiser le partenariat, et que les informations entre les différents interlocuteurs on du mal à passer. Du coup, impossible de vérifier les informations ou d’avoir quelque chose de clair pour être au clair avec l’administration. Ce matin, je suis allée faire le test de niveau. Dans la mesure où « Shoukran » est à peu près le mot le plus évolué que je connaisse en arabe, j’ai passé durant ce test les trois heures les plus longues de ma vie. Mais rien de grave : le but était seulement de ne pas se retrouver en niveau 1, où les étudiants ont l’insigne honneur d’étudier les 28 lettres de l’alphabet durant les 28 jours que compte la session…

La famille où je suis est vraiment adorable. Batoul, la mère de famille, connaît à peu près toutes les bonnes adresses où acheter les spécialités locales, que ce soit des habits décents (j’ai à cet égard commencé une belle collection de pantalons bouffants façon Aladin, seule façon de se couvrir sans se liophiliser) aux épices, en passant par l’orfèvrerie ou les étoffes de soie damassées. A la maison, nous mangeons local sur la table basse et avec les jambes en tailleur sur le canapé. Les couverts servent seulement à servir et l’on mange avec les doigts à l’aide de morceaux de pain sans levain… le temps du repas en devient presque ludique ! J’ai déjà commencé mon initiation à la cuisine arabe en maîtrisant la préparation du café turc !

Bab Sharqi, tout près de chez moi

 
Ainsi, petit à petit, la vie reprend son cours, sur un autre continent certes, mais en s’enrichissant de toute la douceur et du raffinement des us et coutumes damascènes !


BONUS : Perles de la vie syrienne ...

Attelage à cheval sur la voie rapide devant l'Université
Orthographe savoureuse dans les ruelles de la vieille ville
 
Tailleur dans le quartier chrétien

mercredi 25 août 2010

Premiers pas à Damas


Voilà déjà trois jours que je suis arrivée à Damas. A l’heure où je vous écris, il fait 40°C dans la maison, et j’entends au loin la rumeur des muezzins qui appellent à la prière. La maison où je suis est située dans un quartier chrétien qui est entouré par 5 ou 6 mosquées. Comme chaque mosquée a une heure différente pour lancer la prière, on entend petit à petit chaque muezzin lancer son chant lancinant et mélancolique (quoiqu'un peu gâché par l'usage des mégaphones...).



Tout s’est bien passé lors de mon arrivée. A l’aéroport, j’ai été prise en charge par le cousin d’une amie de lycée qui est syrienne. Il m’a accompagné jusqu’à ma famille d’accueil, une famille d’arméniens catholiques. Je loge avec quatre autres filles, une suissesse et trois italiennes, qui apprennent l’arabe dans le même institut que moi. Elles m’ont donc montré dès le lendemain où était l’université. Je suis donc allée retirer mon dossier d’inscription et j’ai pu commencer mon parcours du combattant pour effectuer les modalités administratives (Test du SIDA (qui me vaut maintenant un beau bleu), lettre de l’ambassade, régularisation auprès du service de l’immigration, etc, etc, etc.) au grès des taxis. Pour les taxis, deux options : soit des taxis sans clim, jaunes pour imiter ceux de New York, qui sont un peu plus chers (100 livres la course, soit même pas 1,40€ et encore je me fais arnaquer parce que je parle trois mots d’arabe), soit les « Services », des espèces de Nissan blanches qui coûtent à peine 10 centimes d’euros et où on a l’insigne honneur d’être entassé à 10 ou 12 là où en France on s’installerait à cinq.



     Hier soir, je suis allée avec Moayyad, le cousin de mon amie, faire un tour dans la vieille ville. Ca a vraiment bien été refait, c’est un véritable labyrinthe de petite ruelle au détour desquelles on trouve un bar à chicha, un vendeur de CD libanais (les clips de chansons libanaises sont à mourir de rire de mauvais goût !!) ou un magasin de chaussures « cheap and trrraditional !! ». J’ai donc visité le quartier chrétien, puis nous avons obliqué vers la grande mosquée des Omeyyades. Pour la petite histoire, à l’époque byzantine, il y avait à la place une basilique où étaient enterrés les restes de St Jean-Baptiste. Lors de la conquête arabe, au VII° siècle, les arabes sont arrivés et on construit une mosquée à la place. Cependant, les chrétiens peuvent toujours y aller et vénérer la tombe de celui qui est ainsi devenu Sidi Yahya. Cette mosquée reste assez fascinante (vue de l’extérieur tout au moins) car elle reflète les caractéristiques d’à peu près tous les monuments anciens au Proche-Orient : c’est un patchwork de vestiges de différentes époques sur lesquels on a reconstruit quelque chose d’autre. Ainsi, on peut voir des colonnes grecques, des fondations byzantines, sur lesquelles a été bâti le bâtiment musulman. Juste en face de l’entrée de la mosquée, il y a l’entrée du Souq Al-Hamidiyyah. C’est assez beau car le passage d’entrée n’est rien d’autre que l’arche du temple de Zeus. Ce souq est immense (à peu près 1km de long si je me suis bien renseignée) et est resté assez authentique : on y voit peu d’occidentaux, et en ces temps de Ramadan, tout le monde y est de sortie le soir pour aller faire ses courses.



     Concernant mes premières impressions, on peut dire que c’est choc car tout est différent. La première chose qui m’a frappé, c’est que les syriens sont vraiment des gens très gentils. Tous se mettent en quatre pour aider en cas de besoin. Ce sont des gens qui aiment leur pays (qui m’a l’air d’ailleurs très beau) et qui sont très fiers de leurs tradition. On voit que c’est vraiment un pays en voie de modernisation même si tout est assez « artisanal » : on peut croiser des attelages à chevaux en plein milieux de la voie rapide, qui par miracle se transforme en 2x4voies aux heures d’affluence. Dans les voitures, nul besoin de ceintures de sécurité (Allah s’en charge). Pour avoir un peu vu ce que donnent les administrations, tout est un foutoir permanent, personne ne sait quoi faire, personne n’a d’horaires mais… ça fonctionne. C’est très étrange de voir cela quand en Europe, tout est bien organisé et planifié.



     Le rythme est vraiment très différent. Aux heures les plus chaudes de la journée, tout le monde dort et l’on passe des heures à déjeuner (le déjeuner dure en général de 13H30 à 16h00, heure à laquelle la chaleur commence à tomber). La gastronomie syrienne est d’ailleurs excellente : les plats sont en général à base de viande, accompagnés d’une multitude de légumes assaisonnés de nombres d’épice dont j’ignore encore le nom. Ici, le café (tout comme les toilettes d’ailleurs) est turc, et les gens chez lesquels je loge passent leurs journées à boire du Metteh (l’orthographe du mot est à revérifier) : c’est une espèce de thé qui vient d’Argentine, dont on remplit les tasses et que l’on boit à l’aide d’une paille un peu spéciale. Globalement, je pense que je vais vraiment me plaire en Syrie. Tout est vraiment différent, mais ça ne peut faire que du bien lorsque l’on a passé deux ans à étudier à Saint Germain des Près et que les gens vous toisent parce que vous faites les soldes (ben oui, c’est pour les pauvres !!). Je dois encore m’adapter à à peu près tout, mais j’ai hâte de pouvoir me plonger entièrement dans ce nouveau mode de vie.