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samedi 5 février 2011

Bouffée d'air frais libanaise



Notre-Dame du Liban - Harissa

Après quatre semaines intenses de travail à la fac, voilà arriver une semaine de repos bien méritée, la charge de travail devenant assez significative pour quelqu’un n’ayant pas grandi dans un univers arabophone.

A ceux qui ne l’auraient pas remarqué lors de la publication de ce post, le Liban et particulièrement Beyrouth font l’objet d’un certain enthousiasme chez moi. Pour ceux qui s’inquièteraient, il y a eu certes quelques troubles la semaine dernière au Liban qui ont été vite maîtrisés. Les libanais continuent de faire la fête, c’est d’ailleurs un signe plutôt encourageant. Y aller en venant de Damas apporte une grande bouffée d’air frais. Je peux y ressortir mes tenues inspirées des minettes parisiennes sans avoir trop de soucis, les libanaises ayant quant à elles une manière de s’habiller incomparable. Beyrouth, c’est retrouver un air d’occident malgré ses aspects chaotiques, c’est savoir que l’on peut se départir des codes de vie instaurés à Damas et qui parfois peuvent peser. Et qui pèsent particulièrement en ce moment. A ce propos, il se peut que la tenue de ce blog soit perturbée par quelques problèmes techniques de connexion à Internet. Il n’est en effet plus possible d’accéder à certains sites, dont celui qui héberge ce blog. L’ambiance damascène est assez étrange ces derniers temps.

Bref, toujours est-il que Beyrouth est vraiment une ville formidable. A peine déchargée de l’université, me voilà partie, direction la frontière libanaise, récupérant au passage deux autres magnifiques tampons sur mon passeport. Le voyage a été vraiment beau : pour aller à Beyrouth, il faut d’abord passer un massif montagneux pour descendre dans la vallée de la Bekaa, puis en remonter un autre avant d’arriver à Beyrouth. A la fin de la journée, les lumières du coucher du soleil se mêlaient aux fantaisies des nuages semblant vouloir protéger les cimes enneigées des montagnes. A peine arrivée à Beyrouth, me voilà réceptionnée par Margaux, une amie de Sciences Po en césure au Liban, direction l’appartement d’Olivia, une amie de promo. Petit dîné entre filles, lasagnes maison et discussion dans le salon de cet appartement au 11ème étage d’un immeuble qui donne une vue magnifique sur les montagnes beyrouthines éclairées de milliers de petits points de lumière.

Vue sur Beyrouth du haut de Harissa


Le lendemain, après avoir profité de ces nouvelles vacances pour faire une bonne grasse matinée, et profiter de choses aussi extraordinaires d’être réveillée par le sons des cloches ou du muezzin, ou d’avoir un restaurant Mac Donald juste à côté, me voilà partie en direction de Jounieh, pour monter au sanctuaire de Harissa (non, pas la sauce, le sanctuaire). Jounieh a connu une certaine expansion durant la guerre civile car, les beyrouthins, pour fuir les violences de la capitale, se rendaient là-bas pour aller faire la fête (je commence vraiment à croire qu’un libanais qui n’aime pas faire la fête est en fait un traitre à sa patrie). La ville est comme prise au piège entre mer et montagne. Et c’est au haut de la montagne que se situe le sanctuaire maronite de Notre-Dame du Liban. Y accéder y a été assez compliqué. J’ai dû d’abord prendre un bus pour arriver à la gare routière de Beyrouth, bus dont le conducteur assez antipathique s’amusait à s’arrêter devant chaque piéton voir s’il voulait monter dans le bus. En suite, il avait fermement décidé de conduire avec le point mort, ce qui en montée pose fatalement un problème technique assez évident. Arrivée à la gare routière, je saute dans un bus en direction de Jounieh qui m’emmène au pied du téléphérique qu’il faut prendre pour monter jusqu'en haut de la montagne. Seulement, pour une obscure raison, voilà le téléphérique fermé au beau milieu de l’après midi. C’était sans compter la légendaire hospitalité libanaise, puisque je suis tombée sur deux libanaises aussi déconfites que moi, apparemment pas tellement dans le besoin et pourtant bien résolues à monter faire leurs dévotion.




Qu’à cela ne tienne, je profite de leur offre et prends un taxi avec elles jusqu’au sanctuaire. A l’entrée, fouille par l’armée. Mes amies d’infortune me disent en effet qu’une bombe y a été posée il y a peu… Mais quelle belle vue ! Le vent avait dégagé le ciel de tout nuage, et la hauteur de la montagne offrait une vue sur la mer magnifique, la côte se découpant entre leur bleu azur de l’eau. On voyait au loin Beyrouth et la forme de sa corniche si caractéristique, mais aussi le long de la côte en direction de Byblos.


Nous commençons par monter au pied de la grande statue de Notre Dame du Liban, qui offre le point de vue le plus vaste. Je dois avouer avoir été un peu déçue car en voyant des photos j’avais pensé que cette statue était bien plus grande, mais le tout, quoiqu’un peu kitsh (ça reste libanais, hein) est tout de même très joli. Puis redescente vers le sanctuaire, vers la petite chapelle qui se situe en dessous de la statue. A côté, se situe une église bien plus grande et bien plus moderne (pour le meilleur et pour le pire d’ailleurs), encore en plein travaux. Je n’ai pas réussi à savoir si la dite église est encore en construction ou plus pragmatiquement en rénovation. Une fois nos dévotions terminées, passage obligé à la boutique souvenir. Il devait y en avoir pour tous les goûts et pour toutes les tailles de statues de la Vierge, pour tous les goûts de chapelets dorés, de bougies bien grosses et bien fleuries… Bref, finalement, les boutiques souvenirs de Lourdes font à côté bien ternes !




Un café avalé et nous redescendons vers Jounieh. Mes amies d’une après-midi me laissent reprendre le bus vers Beyrouth. J’y retrouve mes amis à dîner, puis nous passons la soirée dans un des bars qui font la réputation de Beyrouth. Le thème de la soirée était … French Night… En gros, cela consistait à voir des gens passer une bonne soirée sur du Hughes Auffray, du Enrico Englesias ou du Joe Dassin, ainsi que toute la panoplie de la variété française des années 60 aux années 80. Assez irréaliste pour des français, mais nous avions le privilège de rire gentiment des libanais chantant « Aux Champs Elysées » en phonétique.











Le lendemain, après une bonne grasse matinée (c’est tout de même mes vacances hein !), je m’en vais faire une croix sur la raffinerie de la gastronomie libanaise et vais tester avec Margaux Burger King… Je sais que je devrais en avoir honte, mais finalement ça fait plutôt du bien après avoir mangé syrien pendant près de cinq mois. Je reste à Beyrouth l’après-midi, la météo étant maussade et mon côté sudiste qui ne s’est décidément pas arrangé avec le Proche-Orient : si le temps est couvert, on reste tout simplement à la maison, car il pourrait pleuvoir voyons ! J’en ai donc profité pour écrire ce message et essayer de le publier puisque je ne sais pas trop si cela sera possible en Syrie. J’en ai également profité pour suivre les événements locaux, et essayer de voir sur Internet ce qu’en disent les chaînes d’informations arabes. Avec une bonne concentration désormais, je peux en effet comprendre ce qu’il se dit à la télé, et au vu de tout ce qu’il se passe un peu partout dans le monde arabe, c’est finalement très intéressant car j’ai désormais accès à un point de vue proprement arabe, et peux saisir les subtilités de la langue en entendant les gens s’exprimer. Et cela fait un effet très étrange de voir que finalement, vivre en immersion dans un milieu totalement arabophone commence, après cinq mois, à porter ses fruits efficacement. Et cela porte ses fruits car par exemple au Liban, où les gens sont réputés répondre en français et en anglais, j’arrive à parler arabe avec eux, même si l’accent n’est pas exactement le même que celui auquel je suis habituée à Damas.
Elevage de canards en haut d'un immeuble... vous êtes bien à Beyrouth !

Le lendemain, n’écoutant que mon courage (mais surtout la météo étant très maussade encore une fois), je suis restée à Beyrouth, voulant profiter de la vie beyrouthine qui n’est pas si désagréable. Beyrouth a cet avantage d’être une ville à taille humaine, et même si l’on s’y sent au Proche-Orient par ses aspects chaotiques et désordonnés (l’expression « C’est Beyrouth ! » pour qualifier le désordre routier étant à cet égard très pertinente), elle a l’avantage de donner aux occidentaux que nous sommes des repères solides qui n’existent pas à première vue à Damas. 




Oratoire garni à Burj Hammoud



Le soir, petite soirée chez des amis, où nous en avons profité pour terminer la réserve effectuée lors du séjour en France pour Noël des uns et des autres de saucisson et de fromage odorant.




Le lendemain, petite virée avec Olivia dans le quartier arménien de Burj Hammoud, à l’Est de Beyrouth. Le quartier en lui-même n’a rien d’exceptionnel, mais c’est surtout l’ambiance qui en fait tout le charme. Les immeubles sont plutôt bas à l’échelle de Beyrouth, rarement plus de quatre étages, l’ambiance y est relativement calme et le quartier est truffé de petits commerces à bas prix où l’on trouve de tout, les boutiques les plus drôles étant les boutiques qui se spécialisent à l’approche de la Saint Valentin dans la vente d’ours en peluche rouge pétard tendant aux clients des coussins en cœur tout aussi rouge estampillés « I love you », « you’ll be mine », ou encore « Habibi ». Nous avons donc fait le petit tour du quartier, fait les quincailleries, trouvé nos produits de beauté occidentaux à bas prix. Se promener dans ce quartier, c’est aussi croiser les restaurants arméniens aux senteurs si particulières, des petits oratoires avec leurs statues colorées et kitsh (le Liban étant assez bling bling, les symboles religieux le sont tout autant).


La gare de train de Beyrouth


Une fois le tour du quartier effectué, direction l’ouest vers le quartier de Mar Mikhail, un quartier chrétien (Beyrouth Est oblige). Le quartier a beaucoup de charme : il a été relativement préservé par la guerre civile et laisse un petit aperçu de ce que devait être Beyrouth avant. Le quartier est jonché de vieilles maisons à deux ou trois étages, avec un petit style néo-gothique. A l’inverse des quartiers branchés du Downtown de Beyrouth, Mar Mikhail s’est encore très peu boboisé. Là, nous faisons un petit tour du côté de quelque chose que même les beyrouthins connaissent peu : la gare de train. En effet, quinze ans de guerre civile ont eu raison du réseau ferré libanais, et la gare de Beyrouth est ainsi tombée dans l’oubli. Dans un recoin calme du quartier, sa petite architecture IIIème République nous fait retomber dans les petites gares de la campagne française, avec toujours quelques wagons de train à l’abandon. C’est là que l’on voit à quel point la vie s’est arrêtée durant la guerre civile.


Beaux immeubles à Mar Mikhail


Puis retour vers le Downtown, petite halte goûter dans la boulangerie Paul du célèbre groupe français. Si Paul en France est une boulangerie un peu haut de gamme dans les galeries commerçantes, à Beyrouth c’est vraiment le lieu branché.


Immeuble dévasté 



Bref, pour conclure, un petit séjour bien reposant à Beyrouth, une bonne cure d’occidentalisation pour retourner ensuite à Damas, et surtout un aperçu vraiment plus approfondi de Beyrouth, qui même sans avoir un grand esthétisme – les projets immobiliers de la reconstruction font fi de tout plan d’urbanisme, ce qui fait que l’on se retrouver avec une horde d’immeubles modernes sans eau potable, sans Internet à haut débit et avec des coupures d’électricité tous les jours – se révèle être vraiment agréable à vivre.

Vivre à Damas, mode d'emploi - La ville moderne




Après avoir décrit la vieille ville (j’espère à propos ne pas m’être perdue dans les détails ou dans une description un peu trop lyrique), attaquons nous à la ville moderne. Et oui, si les touristes connaissent surtout la vieille ville, cette dernière ne doit constituer qu’à peu près 3% de la totalité de la ville.

Au premier abord, avant d’arriver à Damas, en touriste averti, vous vous pencherez forcément sur un guide qui vous dira en présentation que Damas était décrite par les poètes arabes anciens comme un « grain de beauté sur la joue du monde »… Bon, le grain de beauté a dû dégénérer en mélanome… En effet, il y a encore 50 ans, la ville se limitait à la vieille ville et à quelques quartiers voisins commencés par les turcs et continués par les français. On pouvait encore nettement distinguer la Ghouta, cette oasis qui enserrait Damas et qui en avait fait la renommée par sa production de fruits confits, et qui avait surtout ébloui les arabes lorsqu’ils sont arrivés, eux qui globalement n’étaient pas spécialement habitués à la verdure dans les déserts de la Péninsule arabique.

Seulement depuis, l’effet combiné de la pression démographique (la population syrienne a en effet quadruplé, si ce n’est quintuplé depuis 100 ans) et de l’exode rural a pas mal changé l’aspect général de la ville, et pas pour le meilleur. En effet, depuis 40 ans, des milliers d’immeubles de béton ont poussé, qui n’ont jamais été entretenus (et les infrastructures liées aussi, à savoir réseau d’eau, d’électricité, égouts, et j’en passe) et qui ont été ingénieusement crépis dans les tons marrons foncés, gris foncés ou rouge Bordeaux, histoire de ne surtout pas  leur donner un air de barre d’immeubles communistes à la joyeuse et fructueuse époque des démocraties populaires. C’est vraiment dommage car un petit effort et ça pourrait avoir un tout autre aspect : par exemple à Aman, les immeubles ont globalement la même architecture, mais crépis en jaune clair, dans une ville vallonnée et arborisée, et ça donne quand même une atmosphère totalement différente.

Mais disons que la partie moderne de Damas est à l’image de ses quartiers anciens : il ne faut jamais, grand Dieu, jamais se fier à la première apparence. Déjà, cette ville grouille de vie. Les gens ne tiennent jamais en place, et se mélangent à un mouvement permanent de flux de voitures, de bruits de klaxon, des vendeurs ambulants, de taxis voulant arnaquer leur passager (une bonne tête d’occidental n’est pas absolument nécessaire mais y contribue fortement).

Parlons des taxis d’ailleurs, le grand traumatisme de tout étranger fraichement arrivé. La première fois que j’ai pris un taxi, je voulais aller à l’ambassade de France. Arrivée à destination, je lis 65 livres sur le compteur (si si, il y a un compteur !) et donne naïvement 90 livres, me sentant des impulsions généreuses en offrant gracieusement 25 livres de pourboire (ils n’hésitent d’ailleurs que rarement à vous demander le bakhshish). Le taximan s’est mis à hurler, à taper sur le volant, en vociférant des phrases que je ne comprenais pas alors. Il voulait… 200 livres. Sauf que 200 livres ici, c’est largement assez pour se rendre en banlieue, largement assez pour acheter un litre de bière, acheter 5 Kebab ou un billet de bus jusqu’à Palmyre. Mais maintenant, pratique de la langue et vie quotidienne avec des syriens oblige, se disputer avec des taxis devient presque un jeu. Lorsqu’ils veulent vous arnaquer, ils indiquent souvent deux fois le prix que le compteur indique et c’est là que les choses sérieuses commencent. La cliente offusquée que je suis se met à hausser un peu le ton, le contenu de la discussion n'étant qu'une part d'une espèce de jeu, où chacun sait l'intérêt qu'il a à défendre et devine vers où s'oriente la fin des négociations.

L'arabe est en effet une langue vraiment riche et emprunte d'une grande théâtralité. On s'en rend compte particulièrement lorsque, au contact des syriens, on nous apprend des effets de langue, comme les insultes. Ils n’ont pas (du moins en Syrie mais je sais que c’est différent au Liban) d’insultes vraiment vulgaires comme on a en français. La première que tout étranger apprend est : Anta Kelb Ibn Kelb, soit littéralement tu es chien fils de chien. Ensuite on peut se diversifier et là ça devient vraiment amusant. Là où un français dirait un vulgaire « va crever », les syriens diront « Que Allah découpe ton âge ». Pour envoyer quelqu’un au diable, vous ne lui direz pas « va au diable » mais un magnifique « Que Allah te précipite dans les feux de l’Enfer ». Enfin bref, je ne connais certainement pas les plus drôles, mais on dirait étrangement qu’ils aiment bien mêler Allah à toutes leurs disputes. En fait, on ne s’énerve vraiment que rarement, les envolées lyriques n’étant qu’une part de la théâtralité de rigueur lorsque l’on parle arabe. Car si cette langue a mauvaise réputation en Europe à cause de ses sons gutturaux, c’est en la pratiquant qu’on prend conscience de toute sa logique, de toute sa profondeur et de l’art de vivre qu’elle présuppose.

Si l’on veut s’éviter les désagréments des disputes avec les taximans (et ne pas payer trop cher, tout de même, 2€ pour traverser la ville en taxi, c’est franchement trop cher !) on peut toujours prendre un service, ces petits minibus, de grands bijoux de technologie souvent estampillés Hyundaï ou Toyota et où, selon la motivation du conducteur, on peut s’entasser selon un nombre variant de 11 à 16-18 (seulement dans les heures de pointe). Ils ont l’avantage d’être rapides et bon marché (de 5 à 10 livres la course), mais embarquer dans l’un d’eux signifie qu’on en maîtrise parfaitement l’itinéraire, sachant que certains aiment bien changer parfois, ou même, prendre des contresens pour raccourcir le trajet.

Sinon pour circuler on peut toujours prendre un bus. Les bus sont surprenants à plusieurs égards. Les gens payent leur trajet (toujours surprenant lorsqu’on voit en France les gens jouer à saute mouton sur les tourniquets du métro ou les contrôleurs faire grève parce que l’un de leurs confrères s’est fait tabasser), ils sont rarement bondés, rapport au fait qu’il y a beaucoup (ça change des horaires de bus à Montpellier ou avec un peu de chance, y’a un bus tous les trois quart d’heure les jours où il n’y a pas de grèves) et les hommes laissent leur place assise aux femmes. En effet, dans une société où l’on a souvent tendance à séparer les sexes, il n’est pas bon qu’une femme soit debout en presque corps à corps avec d’autres hommes qu’elle ne connait pas. Dans les parties debout, j’ai remarqué que les femmes étaient souvent regroupées, même si souvent les hommes leur cèdent la place. Mais attention avec la pratique, on reste rarement plus de deux minutes debout. C’est pareil dans les files d’attente, les femmes peuvent doubler tranquillement les hommes, personne ne leur dira rien. On peut donc souvent se faire ennuyer par des hommes un peu frustrés de la vie, il reste toujours qu’en tant que femme on attend rarement et qu’on voyage tout le temps assise.

Outre ces détails bassement matérialistes, Damas est étonnamment une ville de culture à l’image de la Syrie toute entière. La Syrie est un pays où les anciennes coutumes et traditions sont restées très marquées, mais la production culturelle est assez impressionnante, et même si les centres culturels étrangers ont leur part dans l’activité de la ville, les productions et événements syriens y ont une part non négligeable. En effet, tant que l’on n’aborde pas les sujets qui fâchent, les syriens sont très expansifs, bavards et créatifs.

 Ainsi, la production d’œuvre d’art est assez significative et d’ailleurs assez belle, la plupart des toiles restant asses figuratives et restant dans les tons locaux, à savoir de belles couleurs chaudes que nous envient les non-méditerranéens. La télé regorge de musalsal (séries télévisées) en dialecte, d’émissions culturelles et religieuses (j’ai eu un bel éclat de rire un jour en regardant la bande annonce d’une émission musulmane où la musique de fond n’était autre que l’Ave Verum de Mozart). L’opéra de Damas est très actif, donne dans l’oriental et le classique avec des prix défiant toute concurrence. J’ai trépigné au mois de décembre de ne pas avoir pu aller voir à l’opéra « Les noces de Figaro », toutes les places ayant été réservées. En même temps, à 1€50 le tarif étudiant, les gens auraient tord de se priver. De plus, la qualité des musiciens est assez bonne et la salle de concert est confortable et a une belle acoustique. Damas, c’est également un nombre impressionnant de festivals et d’expositions en tout genre, avec également beaucoup de conférences, la plupart du temps données en fusha (l’arabe littéral) souvent piraté par le dialecte. On peut également prendre des cours de calligraphie arabe, de danse orientale ou de langues pour trois rien, si tant est que l’on maîtrise un peu la langue.

Question vie nocturne, on ne s’y ennuie pas non plus. Ayant en horreur les boîtes de nuit, je ne me plains donc pas de leur nombre quasi proche de 0 ici, et la quantité impressionnante de bars cheap est un bon remède à ce « problème ». Halte aux préjugés, on y trouve de l’alcool, surtout dans les quartiers chrétiens où cela ne pose pas de problèmes. On pourra alors déguster de l’Arak, une espèce de pastis mais à la réglisse (ceux qui connaissent mon amour indéfectible du pastis sauront que je n’en bois pas conséquent pas beaucoup), les vins du Liban, syriens pour les plus courageux, ainsi que les bières locales, à savoir Al-Maza (libanaise) et la meilleure, Barada. La Barada c’est tout un concept : une bière qui ne fait pas de mousse, aussi alcoolisée qu’un cidre ayant tourné au soleil et dont l’étiquette se décolle de la bouteille avec la buée, rapport au fait que la colle doit pas être vraiment efficace.

On pourra aussi certaines soirées monter sur le Mont Quassioun, la montagne qui domine Damas, et dîner sur les restaurants qui bordent la route de la colline. A fréquenter de préférence en journée, les taxis y devenant chers le soir.

En bref, Damas est une ville qui s’apprécie sur le long terme. S’y débrouiller signifie de manière générale d’aller vers les gens, ne pas hésiter à pousser les portes et tenter des événements. On n’est jamais déçu. Pour se plaire à Damas, il faut en parler la langue et oublier nos codes et comportements que nous avons avant de partir. Le jeu en vaut la chandelle car l’expérience y est fantastique !