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dimanche 12 septembre 2010

Burlesque visite à Lattaquié


La mer vue du restaurant


     La Syrie étant un pays à 90% musulman, le calendrier des jours fériés se vit au rythme des différentes fêtes de l’Islam. Ainsi, la fin du ramadan s’accompagne de deux choses vraiment agréables : désormais, nul besoin de se cacher pour boire ou manger et surtout, l’Aïd, la fête qui marque la fin du ramadan, est suivi par trois jours fériés. C’est ainsi qu’à peine les cours commencés dimanche dernier, nous voilà mercredi soir en week-end prolongé pour quatre jours.


                                             Ougarit et ses ruines envahies par les buissons                                                      


 
Voulant continuer mes débuts de visite approfondie de la Syrie, mes collocs et moi sommes allées à Lattaquié, premier port syrien et célèbre pour ses plages. 2€50 et quatre heures de bus plus tard, nous voilà à Lattaquié. Nous qui rêvions de pages de sable fin bordées par des cocotiers, le tout accompagné d’une corniche digne de la promenade des anglais à Nice, nous voilà déçues. Si les origines de Lattaquié remontent à l’époque hellénistique, il ne reste que deux ou trois colonnes de l’époque antique, la ville n’étant plus qu’un village de pêcheurs au début du XX° siècle. La ville a connu son essor dans les années 70, à l’époque où la guerre civile libanaise rendait difficiles les liaisons avec le port de Beyrouth. Aussi l’ensemble ressemble plus à des barres d’immeubles délabrés en béton armé, rappelant étrangement les plages espagnoles, qu’à une station balnéaire de rêve. Le soleil (fait rare en cette saison) se cachant derrière les nuages, nous nous sommes armées de nos guides touristiques pour voir ce qu’il y avait à voir dans le coin. Nous voilà donc lancées à la découverte d’Ougarit, ville phénicienne du XIII° siècle av. JC et où les missions archéologiques françaises ont retrouvé le premier alphabet connu. Là encore, déception. Le site pourrait être bien mieux mis en valeur. Des ordures jonchent les rues pavées, et les mauvaises herbes ont envahis les murs de l’ancien port phénicien, si bien que ce qui pourrait être une aventure formidable pour tout voyageur féru d’histoire se transforme, esprit Sciences Po oblige, en une réflexion sur les bienfaits de la protection de l’environnement et son influence sur l’activité touristique. Ceci dit, le site n’est peut-être pas vraiment mis en valeur, mais il donne une petite idée de ce que devait être la ville, grâce notamment aux deux ou trois panneaux d’indications à moitié rouillés laissés par une mission syro-française au début des années 80.




                                                            Luxe, calme et volupté à l'hôtel ...

     Une fois la visite finie, un repas en bord de mer avalé et une promenade sur la corniche de faite, nous voilà en quête d’un hôtel. Le prix de celui que nous avons trouvé défie certes toute concurrence (moins de 5€ la nuit pour une chambre double), mais il ne fallait pas s’attendre à un palace : hôtel placé contre la mosquée (donc délicat réveil en musique assuré par le muezzin à 5h du matin), douche qui ne ferme pas à clef, chambre étroite et mal ventilée, fauteuils aux couleurs douteuses… Cela fait partie du genre d’expériences qu’il faut avoir vécues avant de mourir je suppose.


 
     En revanche, si Lattaquié ne brille pas par l’esthétisme de son urbanisme, elle brille par ses restaurants dont les prix défient toute concurrence : là encore, moins de 5€ pour un copieux repas aux saveurs orientales, accompagné, chaleur oblige, d’un jus de citron à la menthe (Laymoun ma nana en arabe) et d’une chicha pour le folklore.

 
Le lendemain, après une nuit de rêve dans notre palace, visite du château de Saladin. Les français le connaissent mieux sous le nom de Château de Saône, mais un décret l’a renommé ainsi en 1957 dans le but de nationaliser le patrimoine syrien. En effet, le château ne doit quasiment rien à Saladin, l’illustre guerrier ne s’étant donné que la peine de le prendre aux francs à la fin du XII° siècle. Nous voilà donc toutes parties dans un service, les fameux minibus blancs dont l’authenticité n’égale que leur inconfort, et trois quart d’heure plus tard, nous voilà arrivées devant ce qui était la plus grande des forteresses de la Terre Sainte au temps de croisades. Et pour cause : 700m de long, sur un piton rocheux de 30 mètres de long, et dont les douves ont été creusées par les francs de manière à ce que l’ennemi ne puisse escalader les murs. Les francs l’ont placé à un carrefour stratégique, autrefois occupé par les byzantins qui réussirent au X° siècle à reconquérir aux musulmans une partie de la Syrie, permettant de contrôler ainsi à la fois les routes et la mer. Le château de Saône (Sahyoun en arabe) resta aux francs jusqu’en 1188, alors que Saladin tentait de reprendre les Etats Latins aux croisés juste après la prise de Jérusalem. L’esprit chevaleresque de Saladin s’illustra encore lors de cet épisode, puisqu’il laissa repartir (contre rançon bien sûr) les francs de la forteresse.



Photo aventureuse dans les ouvertures sans garde-fou



L’ensemble du site est vraiment exceptionnel : les tours sont extrêmement bien conservées, on peut aller voir les citernes, les salles voutées, se balader sur les murailles ou alors aller prendre un jus de fruit dans le donjon, avec vue sur la mer et la plaine. Moi qui ai tendance à m’évader dans les temps anciens sitôt projetée dans les vieilles pierres, me voilà servie ! Ce château est réellement une invitation au voyage et à l’évasion, car les bâtiments et les environs proches sont extrêmement bien préservés. De plus, le peu de soucis que se font les syriens autour des questions de sécurité permet de pouvoir tout visiter. Ceci dit, c’est à vos risques et périls, dans la mesure où toutes les tours sont ouvertes à la visite, sans rampes dans les escaliers qui n’ont pas été refaits depuis le temps de Saladin et sans garde fou dans les ouvertures.


 
Une fois la visite terminée, nous avons dû nous replonger dans la réalité pour retourner à Lattaquié et reprendre le bus pour Damas. Une partie des filles est restée à Lattaquié un jour de plus pour profiter de la plage, mais en réalité, y aller est compliqué. Il faut se rendre à 6km au nord de la ville pour payer à l’entrée des plages des hôtels, les plages publiques étant jonchées d’ordures et invitant donc peu à la baignade.

 
Sinon, les cours ont bien commencé à l’Université. La méthodologie est particulière, tous les cours étant entièrement en arabe même en niveau 2 (le programme que je suis comporte 8 niveaux). Les quatre heures de cours quotidiennes sont ponctuées par trois pauses de quinze minutes qui, si elles surprennent le premier jour, sont les bienvenues les jours suivants tant le rythme est intense. Mais les progrès sont là : à la maison, j’arrive désormais à parler arabe en faisant des phrases entières et à peu près correctes, et j’ai hâte de venir voir les jours où mon niveau d’arabe me permettra de négocier des étoffes de soie ou des plats en cuivre dans le souq !



  Le piton rocheux dégagé de la falaise par les francs servant de soutien au pont-levis


Labyrinthes et vieilles pierres en tout genre


Le château de Saône, plus grande place forte de la Terre Sainte




                               Laymoun ma nana, ou le meilleur antidote jamais trouvé contre la chaleur

 

2 commentaires:

  1. Chère Clémence,
    Merci pour ton compte-rendu de la visite à Ugarit.
    Cela m'a rappelé le cours à Rome sur le sujet où j'avais eu un carton lorsque le prof m'avait posé une question sur la religion ougaritique.
    Si tu veux approfondir la langue ougaritique, il y a des sites Internet pour apprendre.
    http://www.theology.edu/ugraintr.htm

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  2. On veut la suite... on veut la suite... on veut la suite :)

    Nice to see que tout se passe aussi bien! Ca donne envie, même quand le soleil a élu domicile à Paris ;)

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